Neurofibrosarcome en dehors d’une neurofibromatose

Neurofibrosarcome en dehors d’une neurofibromatose

Le neurofibrosarcome est une tumeur maligne de la gaine des nerfs périphériques. Elle est exceptionnelle dans la population générale et se voit habituellement dans le cadre de la neurofibromatose de Recklinghausen. Nous rapportons le cas d’une femme âgée de 53 ans qui a été hospitalisée pour récidive d’un panaris osteitique du pouce droit. L’examen anatomopathologique après excision a conclu à un neurofibrosarcome du pouce. Une amputation du pouce a été réalisée. Trois ans après, la patiente a présenté une tuméfaction du coude droit. L’examen anatomopathologique après exérèse a conclu à un neurofibrosarcome. Le bilan d’extension était sans anomalies et l’examen clinique et paraclinique a éliminé le diagnostic de neurofibromatose type 1. Le neurofibrosarcome est une tumeur très spécifique de la neurofibromatose de type 1 (NF1). Les localisations multiples d’emblée ne sont décrites que chez les patients atteints de NF1. La deuxième localisation pourrait être une métastase unique par voie lymphatique ou une deuxième localisation chez une patiente ayant une forme infraclinique de neurofibromatose.

A propos

Introduction

Le neurofibrosarcome est une tumeur maligne de la gaine des nerfs périphériques. On l’appelle également schwannome malin, sarcome neurogène, ou MPNST (malignant peripheral nerve sheath tumor) [1, 2]. C’est une tumeur exceptionnelle dans la population générale et se voit généralement dans le cadre de la neurofibromatose de Recklinghausen [3]. La tumeur se développe le plus souvent lors de la seconde ou de la troisième décade, mais elle semble également survenir plus tôt chez les patients atteints de neurofibromatose [4]. Nous rapportons deux neurofibrosarcomes observés à 3 ans d’intervalle chez une patiente non atteinte de neurofibromatose.

Observation

JS est une femme âgée de 53 ans qui a été hospitalisée en 2006 pour récidive d’un panaris osteitique du pouce droit, excisé 15 jours auparavant (Fig.1). La radiographie du pouce a montré une image lytique de P2 avec effraction de la corticale dorsale (Fig.2). Une excision avec examen bactériologique et anatomopathologique ont été réalisés. L’examen bactériologique n’a pas isolé de germe, mais l’examen anatomopathologique a montré la présence d’un épiderme acanthosique, par place ulcéré associé à une prolifération fuso-cellulaire, de densité faible à modérée et à noyau ondulé peu atypique. L’examen immunohistochimique a montré une positivité de la vimentine et PS100 et une négativité de D34. Cet examen a conclue à un neurofibrosarcome du pouce. Une amputation trans MP du pouce a été réalisée, sans traitement adjuvant. Le bilan d’extension était sans anomalies. Le scanner thoraco-abdominal a montré un nodule surrénalien droit et la scintigraphie osseuse a été sans anomalies.

Trois ans après, la patiente a présenté une tuméfaction dure et douloureuse mesurant 4 cm de grand axe, siégeant à la face antéro-externe du coude droit (Fig.3). L’échographie a montré une masse tissulaire sous cutanée bien limitée, extra-aponévrotique. Une biopsie exérèse, emportant la peau en regard et l’aponévrose a été faite (Fig.4). L’examen anatomopathologique a montré un nodule sous cutané bien limité par une capsule fibreuse épaisse. Les cellules tumorales étaient positives à la Vimentine et la PS100 et 5 à 10% des cellules expriment le Ki67. Cet examen a conclut à un neurofibrosarcome grade 3 OMS, complètement réséqué. Le bilan d’extension était sans anomalies et l’examen clinique et para clinique ont éliminé le diagnostic de neurofibromatose. Au recul de 2 ans, la patiente est en bon état de santé, ne présente pas de récidive tumorale et le bila d’extension n’a pas montré de métastases.

Discussion

Le neurofibrosarcome est une tumeur très spécifique de la neurofibromatose de type 1 (NF1) [3]. Le risque de développer un neurofibrosarcome dans la population générale est estimé de 0,001% ; ce risque atteint 5% chez les patients atteints de NF1 (5, 6, 7). Le neurofibrosarcome touche surtout le tronc (50%), les extrémités (30%), la région cervico-faciale (20%). Il survient dans 60% des cas au sein d’un neurofibrome plexiforme préexistant [8]. Ce dernier est alors considéré comme une tumeur précancéreuse. Un traitement antérieur par radiothérapie est parfois avancé comme facteur de risque de développer un neurofibrosarcome. Le pronostic des neurofibrosarcomes est mauvais, avec un taux de survie à 5 ans variant selon les études, de 48 à 58%. Les taux de récidive varient de 38 à 45%. On observe des métastases dans 50 à 80% des cas, localisées le plus souvent dans le poumon, les relais lymphatiques, et le foie [7].

Les localisations multiples d’emblée n’ont été décrites que chez les patients atteints de NF1 [9]. Doorns et al [10] ont rapporté une 2ème localisation primitive chez 45% des patients atteints de NF1, alors qu’ils n’ont trouvé aucune 2ème localisation primitive chez les patients sans NF1. En fait, les neurofibromes plexiformes sont susceptibles de se transformer en neurofibrosarcome à cause de la présence de cellules de Schwann peu différentiées qui semblent être susceptible d’induire une transformation maligne. La surveillance des patients atteints de NF1 et porteurs de neurofibromes plexiformes doit donc être très attentive, encore plus s’ils sont nombreux, ou étendus [11]. L’apparition de douleurs chez un patient atteint de NF1 et porteur de neurofibromes plexiformes doit faire suspecter une transformation en neurofibrosarcome. Il en est de même pour l’augmentation rapide de la taille de la tumeur, le durcissement de sa consistance ou l’apparition d’un déficit neurologique. Cependant, les neurofibromes plexiformes peuvent présenter des périodes de croissance rapide, suivie de périodes de quiescence relative et l’évolutivité n’est pas toujours synonyme de malignité (6).

Notre cas rapporté pourrait être considéré comme une localisation multiple d’un neurofibrosarcome à en dehors d’une neurofbromatose de type 1. Dans les deux cas, la tumeur n’a pas pris naissance à partir d’un tronc nerveux, mais à partir de branches nerveuses. La première localisation a montré le caractère agressif de cette tumeur avec envahissement osseux et cutané. La deuxième localisation, apparue 3 ans plus tard au niveau du coude, ne peut pas être considérée comme récidive locale car elle est située à distance de la première localisation. Elle pourrait être considérée comme métastase par voie lymphatique de la première localisation, malgré l’absence d’atteinte ganglionnaire et de métastase pulmonaire, ou une 2ème localisation primitive de neurofibrosarcome, malgré qu’on n’a pas trouvé dans la littérature de neurofibrosarcome multifocal en dehors de la neurofibromatose de Recklinghausen. Cette patiente pourrait avoir une forme cliniquement muette de neurofibromatose, ce qui nécessiterait une exploration cytogénétique.

Références

1- Gupta G, Maniker A. Malignant peripheral nerve sheath tumors. Neurosurg Focus 2007;22, 6:E12.

2- Sordillo PP, Helson L, Hajdu SI et al. Malignant schwannoma. Clinical characteristics, survival, and response to therapy. Cancer 1981: 47: 2503-9.

3- Fuchs B, Spinner RJ, Rock MG. Malignant peripheral nerve sheath tumors: an update. J Surg Orthop Adv 2005;14, 4:168-74.

4- Ferrari A, Bisogno G, Macaluso A, Casanova M, D’Angelo P, Pierani P et al. Soft-tissue sarcomas in children and adolescents with neurofibromatosis type 1. Cancer 2007;109, 7:1406-12.

5-  Ducatman BS, Scheithauer BW, Piepgras DG, Reiman HM, Ilstrup DM. Malignant peripheral nerve sheath tumors. A clinicopathologic study of 120 cases. Cancer 1986;57:2006-21.

6- Ferner RE, Gutmann DH. International consensus statement on malignant peripheral nerve sheath tumors in neurofibromatosis. Cancer Res 1986; 62:1573-7.

7- Stark AM, Buhl R, Hugo HH & Mehdorn HM. Malignant peripheral nerve sheath tumours-report of 8 cases and review of the literature. Acta Neurochir (Wien) 2001; 143:357-63; discussion 363-4.

8- Zhu Y & Parada LF. The molecular and genetic basis of neurological tumours. Nat Rev Cancer 2002; 2 :616-26.

9- Molenaar WM, Ladde BE, Schraffordt Koops H, Dam-Meiring A. Two epithelioid malignant schwannomas in a patient with neurofibromatosis. Path Res Pract 1989; 184: 529-34.

10- Doorns PF, Molenaar WM, Buter J, Hoekstra HJ. Malignant peripheral nerve sheath tumors in patients with and without neurofibromatosis. Eur J Surg Oncol 1995; 21:78-82.

11- Wanebo JE, Malik JM, VandenBerg SR, Wanebo H J, Driesen N, Persing JA. Malignant peripheral nerve sheath tumors. Cancer 1993; 71: 1247-53.

Illustrations

Fig.1 : tuméfaction ulcérée de la pulpe du pouce, simulant un panaris récidivant.

Fig.2 : Lésion lytique rompant la corticale au niveau de P2 du pouce.

Fig.3 : Tuméfaction dure et douloureuse de 4 cm de grand axe de la face antéroexterne du coude droit.

Fig.4 : Pièce d’exérèse : tumeur de consistance ferme, bien limitée et de couleur blanchâtre à la coupe.

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